Sport et jeunesse : un mariage heureux ?

Un dossier d'Hugo KucharskI

Cet été 2018 a été riche en grandes compétitions internationales. Évidemment, nous avons eu la Coupe du Monde de Football, mais aussi la Coupe du Monde de Rugby U20, remportée par notre belle équipe de France. Et c’est finalement ce genre de compétition qui nous intéresse. En effet, les jeunes, que ce soit dans la société ou dans le monde du sport, jouent un rôle non négligeable. Bien souvent, ces jeunes incarnent l’avenir, sont des promesses pour un futur rayonnant. Mais est-ce que le sport et la jeunesse fonctionnent bien ensemble ? C’est ce que nous allons voir dans ce dossier.
 

Bref retour historique

Tout d’abord, un bref retour historique s’impose. En effet, dans le temps (avant la guerre), le sport était en réalité utilisé dans une logique de de bonne santé. En effet, il était utilisé afin de maintenir les
pratiquants du sport en bonne santé avec un certain équilibre. De plus, l’Etat n’intervenait pas
réellement dans ce domaine, il laissait les fédérations se débrouiller et il les laissait fonctionner à leurs
souhaits. 


Quelques années plus tard, durant les jeunesses hitlériennes, le sport était utilisé de la même façon,
sans oublier l’embrigadement politique. En effet, le chef de l’Etat Allemand voyait dans le sport un
moyen de rassembler les jeunes sous la bannière de l’Allemagne nazie, et donc de les embrigader dans
un courant de pensée. 


Après la guerre, à partir de 1945, le sport est redevenu un vecteur de bonne santé, notamment chez
les jeunes. En effet, à l’époque (et encore un peu de nos jours) on considère qu’un jeune pratiquant du
sport régulier est un jeune en bonne santé. C’est à ce moment là que l’Etat a décidé de se « mêler » un
peu plus à tout ça, en donnant un coup de boost à la promotion du sport de manière générale, afin
d’amener petit à petit les jeunes à faire du sport. 


Plus tard, dans les années 2010, le sport a totalement changé avec une nouvelle politique, cette fois-ci
orchestrée par l’Etat. Le sport était encore plus présent et accessible à tous notamment en cours (les
cours d’EPS qui permettaient aux jeunes ne pratiquant pas régulièrement du sport de se maintenir en
bonne santé) mais également un sport tourné vers la performance sportive, avec des fédérations
toujours plus à la recherche de talents sportifs et non plus de jeunes motivés. Ce changement de
mentalité a entraîné un léger « dégoût » envers le sport chez certains, qui refusaient de le pratiquer
dans la seule recherche de performances. 
 

La Coupe du Monde U20 de Rugby

Bien moins médiatisée qu’une Coupe du Monde de Rugby ou encore bien moins médiatisée que le
football, la Coupe du Monde U20 de Rugby se déroulait en France. Et nos jeunes Bleus n’ont pas failli.
Premiers de la Poule C constituée de l’Afrique du Sud, la Géorgie et l’Irlande, les Français sont sortis
avec 14 points au compteur. L’équipe effectue des bons matches, malgré le premier qui était difficile
face à une belle équipe Irlandaise (26-24). Quelques jours plus tard, les Français battent la Géorgie 24
12, en faisant un match assez solide et en rassurant les supporters après le match compliqué face aux
Irlandais. Pour leur dernier match de poule, les Français prouvent leur grande force offensive, en
battant l’Afrique du Sud 46-29.

Lors de la première demi-finale, les Français ont fait un bon match en battant les jeunes Néo-Zélandais 16-7, en étant assez solides défensivement. Dans l’autre demi-finale, l’Afrique du Sud a été battue par les jeunes Anglais 32-31 dans un match très serré et complètement fou. La petite finale donne lieu à un excellent match entre l’Afrique du Sud et la Nouvelle-Zélande qui se terminera sur le score de 42-30 en faveur des Africains, qui occuperont donc la troisième place de ce tournoi.
 
Apothéose de la coupe du monde, arrive enfin la finale entre la France et l’Angleterre. Les Français se
sont défaits des Anglais dans une très belle finale sur le score de 33-25, et les Bleuets sont sacrés
champions du monde. Une consécration qui vient finalement récompenser un travail acharné depuis
quelques années en ce qui concerne la formation française, que ce soit en Rugby ou en général. La
formation française est très connue à travers le monde, dans le domaine sportif, comme étant l’une
des meilleures formations du monde. Mais finalement, que vont devenir ces jeunes après cette
compétition ?
 
 

Le rôle des jeunes dans le sport de haut niveau Français

C’est la grande question de ce dossier. En effet, il existe de nombreuses compétitions pour les jeunes
sportifs de haut niveau, comme par exemple la Youth League, qui est l’équivalent de la Ligue des
Champions pour les jeunes, ou encore le tournoi des 6 nations U20.  Mais finalement, quel rôle ont ces
jeunes après ces compétitions ? Prenons l’exemple de l’équipe de France de Football.
 
En 2013, l’équipe de France de Football était sacrée championne du monde U20. Dans cette équipe qui s’est retrouvée sur le toit du monde, on retrouve pas mal de grands noms du football mondial actuel :
Paul Pogba, qui joue actuellement sous les couleurs de Manchester United et dispute la Coupe du
Monde 2018 avec les A ; Geoffrey Kondogbia, qui compte déjà plusieurs sélections avec les A et qui a
joué pour des grands clubs (Séville FC, Inter Milan, AS Monaco et Valencia CF) ; Lucas Digne,
actuellement au Barça et qui a disputé l’Euro 2016 avec les A ; Alphonse Aréola, troisième gardien
actuel en Russie de l’équipe de France, gardien numéro 1 au Paris Saint-Germain ; Florian Thauvin, qui
a fait une saison incroyable à l’Olympique de Marseille et qui dispute la Coupe du Monde 2018 en
Russie ; Samuel Umtiti, actuel défenseur central titulaire au FC Barcelone et en Equipe de France pour
la Coupe du Monde 2018 et bien d’autres encore.
 
 

Ces exemples montrent parfaitement ce que ce genre de tournois peuvent apporter pour des jeunes

joueurs : la gloire, certes, mais aussi une plus grande visibilité à l’échelle nationale et internationale.

Seule exception de cette liste : Paul Pogba, qui jouait déjà à la Juventus et que l’on qualifiait déjà à cette époque de phénomène. La plupart des autres joueurs présents dans cette liste championne du monde ont changé de club quasiment aussitôt ou alors seulement quelques années après : Kurt Zouma (de l’ASSE à Chelsea), Lucas Digne (direction PSG puis FC Barcelone), Samuel Umtiti (FC Barcelone) Geoffrey Kondogbia (retour en Ligue 1 avec Monaco, il disputera la Ligue des Champions avec eux) … Cela aura pris plus ou moins de temps selon les joueurs et les agents, certains considérant ce genre de compétitions internationales de jeunes comme un tremplin pour attirer les grands clubs, d’autres considérant cela comme une première expérience internationale importante pour l’avenir des joueurs et pour engranger de l’expérience au plus haut niveau… Énormément de visions différentes pour finalement le même objectif de la compétition : récompenser les jeunes joueurs et les équipes de jeunes.

 

Mais est-ce réellement le but de ce genre de compétitions ? Nous sommes en droit de nous poser des

questions, car en effet, les clubs et certaines fédérations n’y voient qu’une occasion de promouvoir leur formation, et donc cela peut également briser des carrières, ou tout simplement ne pas les faire

décoller. Parfois, les joueurs champions du monde dans les équipes de jeunes voient leur carrière

prendre un coup d’arrêt, à cause de mauvais choix de carrière. Jean-Christophe Bahebeck, joueur de

Troyes à l’époque, a finalement signé au PSG après ce tournoi, pour disputer énormément de saisons

sur le banc de touche. Il n’a eu que très peu de fois sa chance, et il enchaîne les prêts depuis maintenant au moins 3 ans dans toute l’Europe. Mauvais choix de carrière donc pour cet attaquant qui a « perdu » quelques années de sa vie et de son épopée footballistique.

 

Parfois, les carrières sont freinées par des blessures. Et dans ces cas-là, il est très difficile de s’en

remettre. On peut citer notamment Marvin Martin, que l’on nous présentait comme « le nouveau

Zidane », et qui finalement ne s’est jamais réellement remis de ses blessures à répétition. Le pauvre

joueur s’est totalement perdu, quittant le LOSC qu’il avait rejoint de Sochaux pour donner un coup de

boost à sa carrière, pour rejoindre Dijon à l’époque. Désormais au Stade de Reims, l’ancien international français peut dire quasi-définitivement adieu à la sélection. Autre jeune concerné par ce genre de blessures, nous avons eu le cas Kurt Zouma. Récemment transféré de Saint-Etienne à Chelsea en 2014, le joueur a connu une rupture des ligaments croisés du genou droit durant la saison 2015-2016, lui fermant les portes de l’Euro 2016. Nabil Fékir a également été concerné par ces blessures, l’éloignant des terrains pendant 6 mois et l’empêchant de disputer l’Euro 2016.

Et puis il y a les jeunes joueurs qui brûlent les étapes. Certains
joueurs ne passent pas par les sélections de jeunes, ou seulement
très peu de temps. Kylian Mbappé, la star du PSG et de l’Equipe de
France, est de ceux-là. Son seul passage chez les jeunes est avec la
sélection des U19, pour laquelle il a disputé 11 matches entre 2016
et 2017 et marqué 7 buts. Désormais, il est titulaire indiscutable en
club aux côtés de Cavani et Neymar, et il est également titulaire
indiscutable en sélection. Et parfois, la jeunesse et l’insouciance
peuvent porter leurs fruits, comme cela a été le cas pour Mbappé
qui a scoré un doublé en huitièmes de finale face à l’Argentine.
 
 


De plus, lorsque l’équipe se sent bien, comme ce fut le cas des U20 au Rugby pour cette Coupe du
Monde, les joueurs deviennent très souvent des amis, ce qui permet de garder un groupe sensiblement  similaire à l’avenir en A, avec des joueurs qui peuvent combiner et qui se connaissent bien. Didier Deschamps peut en témoigner, la cohésion et la bonne entente sont primordiales dans une grande compétition internationale, car cela permet de souder un groupe et donc de l’amener pourquoi pas au sommet, comme cela a été le cas cette année au Rugby.

 
En ce qui concerne ces jeunes joueurs, ils ne sont évidemment pas que des futures stars. Ils deviennent  également des modèles dans la société auprès des jeunes. En effet, ces joueurs champions du monde U20 de Rugby cette saison vont très sûrement en inspirer d’autres dans les années à venir, à commencer dès maintenant dans les plus petits clubs régionaux du pays. Les gens qui les côtoyaient
durant leur jeunesse peuvent désormais dire « je connais un champion du monde », et beaucoup de
jeunes vont s’inspirer de leur façon de jouer, de leur façon d’être, de leur parcours…
 
C’est pour cela que ça peut vite devenir dangereux. En effet, certains joueurs ruinent leurs carrières
par des évènements extra-sportifs qui détruisent leur image, comme cela a été le cas de certains jeunes joueurs de football. Wissam Ben Yedder, Yann M’Vila ou encore M’Baye Niang sont de ceux-là. Parfois, certains arrivent à rebondir après ce genre d’évènements, comme c’est le cas de Wissam Ben Yedder, qui dispute maintenant la Ligue des Champions avec le FC Séville et qui a connu sa première sélection chez les A en Bleu il y a quelques mois, et parfois d’autres n’y arrivent pas, comme ce fut le cas de Yann M’Vila, qui s’était exilé au Rubin Kazan avant d’être prêté partout en Europe sans grand succès (Inter Milan, Sunderland).

Le Rôle des fédérations dans la formation des jeunes sportifs

Dans le domaine du football, le rôle de la fédération française de football n’est pas forcément très grand
dans la formation de ces jeunes joueurs. En effet, ce n’est pas directement la fédération qui forme ces
jeunes joueurs pour leur permettre d’exploser dans leurs carrières, mais plutôt les clubs. En effet, tous
les centres de formation en France sont intimement liés aux clubs de football voisins, le plus performant
des centres de formation de France demeurant tout de même celui de l’Olympique Lyonnais, d’où
sortent quelques joueurs de l’Equipe de France de Football actuelle (Corentin Tolisso, Samuel Umtiti,
Nabil Fékir). Les tournois internationaux de jeunes disputés avec la sélection française ne sont donc
finalement que des tremplins pour ces joueurs, qui en profitent pour accroître leur visibilité.
 
En ce qui concerne la formation dans le domaine du Rugby, cela fonctionne de façon totalement
différente. En effet, la formation nationale est privilégiée. La fédération prend en charge une grande
partie de la formation, en plus de celle qui est déjà assurée par les différents clubs. Les joueurs sont
repérés dans les clubs amateurs, envoyés faire des tests de détection pour rejoindre des clubs au fort
ancrage national, puis une fois qu’ils ont rejoint ce centre de formation, ils rejoignent, s’ils sont encore
sélectionnés, la formation nationale afin de pouvoir jouer avec l’équipe nationale. En ce point, la
formation de Rugby est très différente de la formation au Football. En effet, au Rugby, on privilégie un
peu plus la sélection nationale aux clubs, et inversement au football. 

Finalement, les jeunes ont rôle très important dans le sport en France. En effet, nous avons de très
bons centres de formation capables de sortir des joueurs qui sortent du lot, qui finissent ensuite par
exploser au plus haut niveau. Les compétitions internationales de jeunes permettent de créer un
groupe qui fonctionne bien ensemble et de donner une première expérience internationale aux
meilleurs jeunes qui représentent l’avenir sportif de chaque nation qui y participes. Parfois, cela peut totalement changer leur carrière : cela peut la booster et les faire exploser sur la scène internationale, mais parfois cela pousse aussi à de mauvais choix de carrière qui peuvent tout simplement la ruiner.

 

Mais le plus important dans le sport reste le plaisir, et nous supposons que les jeunes Champions du
Monde U20 de Rugby ont pris beaucoup de plaisir durant cette épopée, et nous avons également pris beaucoup de plaisir à les regarder jouer. Ils représentent l’avenir du Rugby Français, et leur destin est à présent entre leurs mains.